Filer le social : imaginer ensemble un filet social pour les artistes

Le blogue du CCAT

Par Maude Guy, directrice générale

Le 20 septembre dernier, se sont réuni une douzaine d’artistes, travailleuses et travailleurs culturels de l’Abitibi-Témiscamingue dans le cadre de la journée nationale Filer le social, organisée par la Grande mobilisation pour les arts au Québec (GMAQ) au Petit théâtre du Vieux-Noranda. 
Cette activité, coordonnée localement, entre autres, par le Conseil de la culture de l’Abitibi-Témiscamingue (CCAT), s’inscrivait dans un vaste mouvement provincial visant à réfléchir collectivement à la mise en place d’un véritable filet social pour les artistes. 

Un objectif clair : proposer un modèle commun 

L’objectif de la journée était de déterminer un modèle de filet social à défendre politiquement, en identifiant les priorités régionales et les pistes de solutions les plus adaptées à la réalité des artistes et des travailleurs autonomes du secteur culturel en Abitibi-Témiscamingue et dans le reste du Québec. 

Les discussions ont mis en lumière un enjeu central : la précarité chronique du milieu culturel, accentuée par l’absence de protections sociales équitables pour les artistes indépendants — qui représentent près de 60 % du secteur. 
Comme le rappelait Pascale Landry, directrice chez Compétence Culture, « la sécurité d’emploi demeure la principale préoccupation des artistes, mais elle est impossible sans un cadre de protection sociale solide et adapté ». 

Des interventions riches et complémentaires 

La journée s’est ouverte sur une série de présentations éclairantes : 

  • Pascale Landry a présenté des statistiques issues du sondage Culture en action et expliqué la mission de Compétence Culture, qui veille au développement professionnel et au bien-être socioprofessionnel des artistes, artisans et travailleurs culturels. Elle a aussi exposé les objectifs de la Table de concertation sur le filet social, réunissant une trentaine d’associations et de conseils régionaux de culture. L’organisme qu’elle chapeaute s’est vu remettre la responsabilité d’élaborer un grand chantier de réflexion pour structurer et proposer des solutions durables pour améliorer le Filet social en culture. 
  • Sonia Pelletier et Gilles Arteau (REPAIRE) ont proposé la création d’un programme provincial de bourse de subsistance pluriannuelle et renouvelable, fondé sur le principe que tout travail artistique mérite rémunération. 
  • En après-midi, Martine D’Amours (Université Laval) a abordé la protection sociale des artistes salariés et indépendants, en comparant plusieurs modèles européens. 
  • Marie-Pierre Boucher (Université du Québec en Outaouais) a présenté les résultats de projets pilotes sur le revenu de base, soulignant que ceux-ci favorisent la rétention dans le métier, améliorent la santé mentale et réduisent les inégalités, même si les montants proposés restent souvent inférieurs à un revenu viable. 
 Ateliers de réflexion : tisser le social autrement 

Les ateliers de groupe ont permis d’aborder les besoins concrets en matière de sécurité socioéconomique : 

  • Combler les manques du système de bourses actuel; 
  • Mieux reconnaître le travail invisible (création, recherche, préparation); 
  • Réformer l’assurance-emploi et les régimes publics pour éliminer la double cotisation des travailleurs autonomes; 
  • Créer des mesures fiscales incitatives favorisant l’achat d’œuvres et la diffusion locale. 

Les échanges ont également révélé un fort désir d’union entre les régions et les grands centres afin de porter une voix politique commune : 

« Investir dans un revenu universel et la culture, c’est renforcer nos communautés, protéger nos ressources et transmettre une identité vivante pour les générations futures. » (synthèse de l’atelier) 

 Vers une feuille de route commune 

La synthèse de la journée, partagée en plénière, soulignait la nécessité de : 

  • Reconnaître le travail artistique comme une contribution essentielle à la société; 
  • Sortir de la logique méritocratique qui conditionne les aides à la performance ou au succès; 
  • Combiner plusieurs leviers : revenus de base, bourses de subsistance, allègements fiscaux et protection sociale renforcée. 

Comme l’a résumé un participant : 

« Pour pouvoir se payer un filet social, ça prend d’abord un revenu. » 

Et après? 

Les notes et idées recueillies ont été transmises à la GMAQ pour alimenter une synthèse nationale et contribuer à un plaidoyer collectif auprès du ministère de la Culture et des Communications. 

Au-delà des modèles proposés, cette journée aura surtout démontré la force du dialogue régional et la volonté partagée de bâtir un secteur culturel viable, juste et équitable. 

Parce qu’en Abitibi-Témiscamingue comme ailleurs, tisser un filet social, c’est aussi tisser le lien qui nous unit à notre culture. 

 

💡 Journée organisée par le Conseil de la culture de l’Abitibi-Témiscamingue dans le cadre de la mobilisation “Filer le social” de la Grande mobilisation pour les arts au Québec (GMAQ). 

 
Maude Guy

Directrice générale

Gère et administre l’ensemble des activités de développement et de rayonnement de l’organisme.